Nous assistons à une nouvelle ère, celle de l’égocentrisme. La crise produit ce repli sur soi, sur ses intérêts, mais cette nouvelle ère ne date pas de cette année maudite. Elle remonte au début du siècle où la réalisation de soi est devenue un projet de vie.
Et le paradoxe est que cette démarche spirituelle, pleine de sens, est le plus beau des projets pour l’être individuel : il signifie aller vers soi-même, se réaliser en conscience, s’affirmer pour devenir soi, et ainsi être ouvert sur l’extérieur et développer son altruisme sans risque d’être menacé.
L’affirmation de soi est entrain d’être dévoyée et transformée en repli sur soi, alors qu’elle devrait produire un épanouissement pour soi et tourné vers et pour les autres.
Les peurs, les manques, l’égoïsme sont des réactions négatives qui pervertissent le projet positif et humaniste quand elles s’illustrent en minorant l’autre pour mieux compenser soi par un orgueil et une suffisance
Le débat est entrain d’être remplacé par le combat, l’écoute par l’invective, le désaccord par la haine.
La communication est le lien qui relie les hommes quand elle est partagée en échange d’idées, dans l’esprit des Lumières et de Voltaire : « Non seulement je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ».
La communication est le lien qui désunit les hommes quand elle impose son point de vue, quand elle mène au combat et non au débat d’idées :
- A titre d’exemple, avez-vous entendu l’échange entre 2 journalistes, M.Ivan Rioufol, interrompu, dire : « Je dis ce que je veux », et Pascal Praud lui répondre : »Eh bien non »….
- Le même Praud déclarer qu’il ne fallait pas parler des idées de telle personne car elle ne représentait rien en terme de poids médiatique
Ces 2 exemples illustrent la dégringolade du respect des relations humaines, de l’arbitraire, du dévoiement de l’affirmation de soi par le biais d’une communication absente, criarde, violente, arbitraire, intolérante, …et parce qu’elle crie fort pense avoir raison.
Parce que l’homme pense, à tort, s’affirmer en aboyant ses convictions, il réduit la relation avec l’autre à son égocentrisme, à sa prétendue liberté individuelle enchainée par ses propos péremptoires, confondant ainsi sa propre liberté avec sa propre aliénation.
La parole confisquée, celle du « j’ai raison – tu as tort » qui produit du rejet, de la haine de l’autre, est entrain de confisquer le débat, donc un vivre ensemble qui était le projet de l’épanouissement de soi : c’est à dire tout le contraire du repli sur soi, mais bien celui de la différence basée sur l’écoute et la contradiction d’idées, de ma liberté indissociable de la liberté de l’autre, et de la liberté de penser de l’autre.
La parole confisquée l’est par la confusion des repères, des connaissances, des vérités contraires, des convictions imposées au détriment de toute objectivité. La tolérance a disparu dans beaucoup de recoins de l’être.
La réalisation de soi qui passe par l’affirmation de soi est le contraire de l’égoïsme, mais veut dire une ouverture à l’autre comme à soi, libéré de son ego, loin de la vanité et vacuité des propos.
Le mot bienveillance est très à la mode comme autant décrié : parce qu’il dérange et montre l’incapacité de certains à rester bienveillant avec soi et avec les autres.
La bienveillance commence par l’écoute de l’autre, la capacité à entendre ce qui me déplait, ce qui s’appelle l’empathie. Pour les plus avancés, l’empathie va à la compassion, non pas seulement dans les circonstances terribles de la vie, mais dans le quotidien basique des relations humaines.
L’ère du soin, du prendre soin de l’autre comme de soi, est arrivée, ce qu’on appelle le Caring : se soucier de l’autre et de soi.
Pour détrousser l’indifférence, l’égoïsme, la fuite en avant, la parole confisquée.